Recherche des relations entre populations souterraines par le biais de la génétique
Le milieu aquatique souterrain, entité de la plaine alluviale, peut être considérée comme continu (au travers du système alluvionnaire), mais aussi fragmenté, soit naturellement (unités karstiques, zones de transition, confluences, opposition de rives), soit artificiellement…
A cette diversité environnementale s’oppose une unité de fonctionnement, contraignante, orientée, linéaire et ramifiée, celle du flux hydrique, pouvant entraîner au cours des phases hydrologiques stables ou perturbantes une dérive plus ou moins importante des individus de l’amont vers l’aval.
L’appauvrissement apparent de l’amont au profit de l’aval, ainsi que la fragmentation de ce milieu posent des questions relatives à la persistance, à l’évolution ainsi qu’à la fondation des populations, mais aussi aux relations qu’elles peuvent établir entre elles.
L’étude de l’influence de différents facteurs mésologiques a déjà permis de mettre en évidence une variété de stratégies adaptatives liées au degré d’appartenance au milieu souterrain. En particulier, il a pu être montré que la restauration des populations à la suite d’impacts de facteurs limitants tels que les crues est plus ou moins rapide en fonction des espèces et des contraintes géologiques.
Les contraintes hydrauliques sont donc susceptibles d’intervenir dans la répartition des populations le long du continuum environnemental et l’objectif est maintenant de savoir s’il existe des relations entre la structuration de l’espace et la variabilité génétique de différentes espèces afin de définir quels sont les rapports qui peuvent s’établir entre elles.
L’analyse du polymorphisme enzymatique, originale pour des populations stygobies vivant à la fois dans un environnement karstique et interstitiel, est la seule qui soit, avec les moyens actuels donnés, en mesure d’expliquer en terme de structure, de fonction et d’évolution, les relations qui existent entre différentes populations considérées à des échelles allant de la microrépartition à celle du bassin versant ou plus. Il s’agit d’analyser ce polymorphisme au niveau de différentes populations réparties tout le long du continuum fluvial dans le but d’isoler les gènes marquants, afin de délimiter, dans un premier temps, les zones d’isolement et les zones d’échanges faunistiques, pour analyser dans un deuxième temps la dynamique des flux géniques matérialisant les processus de répartition et de colonisation.
Niphargus (Amphipode stygobie)
Cette recherche des relations qui peuvent s’établir entre populations a consisté, dans un premier temps, à comparer 3 populations de Niphargus rhenorhodanensis d’une petite entité géographique : 2 karstiques appartenant au même massif, et dont les liens hydrauliques ont été démontrés (l’une est épikarstique, l’autre vit dans la zone noyée de base du massif), et une interstitielle, dans les sédiments de l’Ain, quelques km à l’aval. Ces 3 populations sont comparées à la population de référence, qui vit dans les canaux de drainage de la Dombes et qui a déjà été utilisée pour de nombreuses études d’ordre biologique et physiologique.
Les premiers résultats ont montré que le polymorphisme enzymatique est faible, et qu’il existe un déficit en hétérozygotes. Ils ont de plus montré que les deux populations karstiques sont génétiquement différentes en dépit de la continuité hydraulique existante, alors que les populations isolées (épikarstique et dombiste) sont génétiquement très proches l’une de l’autre. Les phénomènes d’endémisme liés à ces milieux contraignants peuvent être à l’origine de ces résultats.
Une deuxième série de travaux avait pour objectifs de définir quels sont les rapports existant entre populations de Niphargus rhenorhodanensis inféodés aux sédiments des plaines alluviales de l’Ain et du Rhône en amont de Lyon. En dépit des discontinuités naturelles ou artificielles rencontrées le long de ces systèmes linéaires, et susceptibles d’isoler les quatre populations étudiées, les résultats montrent une divergence génétique faible laissant entendre que les différents individus appartiennent à une unité panmictique avec une base génétique commune datant vraisemblablement d’une colonisation post-glaciaire. Ces résultats montrent également qu’il pourrait exister un flux génique entre les différentes populations, ce que ne laissait pas prévoir la biologie de cette espèce.